Et aussi d’étranges niches

Ceux qui me côtoient ont l’habitude de mes lamentations exagérées et trop répétées. Revient régulièrement sur la table mon désespoir quant à l’état de ce qu’on appelle la fantasy. Là n’est pas le sujet de ce billet : sans entrer dans les détails, l’immense majorité de la littérature de ce genre est à mon goût (parfaitement subjectif !) tout simplement bonne à jeter. Seules de rares (et souvent anciennes) exceptions surnagent dans ce marasme insipide. Pire : par une forme étrange de porosité, les autres médias qui s’attaquent au sujet semblent s’être aussi donné pour défi de proposer l’imaginaire le plus éculé possible.

Paysage

En contrepartie, le jeu de rôles continue pour moi d’être un refuge ; pour qui s’y plonge, l’existence de domaines fertiles, presque invisibles, se dévoile dans les ombres des grands noms écrasants. Et là prospère une imagination qui se refuse à régurgiter du poncif.

À la surface

Parce que bon, au premier coup d’œil, le jeu de rôles (JDR) est dominé par la très mauvaise fantasy. Pour exemple : Donjons et Dragon, la licence phare, celle qui est la plus vendue aujourd’hui, n’est qu’un amalgame rébarbatif de tout ce que l’on imagine en 30 secondes suite l’évocation du mot fantasy.

On y trouve des peuplades humaines, elfes (qui aiment les arbres dans la forêt) ou naines (qui aiment les cailloux dans la montagne), des dragons (qui aiment l’or), orques et gobelins (qui sont méchants), de la magie, des dieux par plâtrées, des cartes, des villes fortifiées, des villages boueux ou prospères, des forêts sombres ou enchantées, des dangers souterrains, des ruines avec des méchants dedans, des mythologies et légendes à la fois rudimentaires et trop précises, etc. Quand on a envie d’être original, on y ajoute un soupçon d’orientalisme douteux et éculé, ou une maigre patine steampunk.

J’exagère ?

Il y a plus de cinq siècles, des clans de nains et de gnomes […] mine abondante […] richesses minérales […] grande puissance magique […] village humain voisin […] horde d’orcs venus du nord […] mercenaires magiciens maléfiques […] Forge des Sorts […] mine perdue […] un mystérieux scélérat appelé l’Araignée Noire […] réseau de bandits et de gobelins…

Infernal. Et il ne s’agit pas de petits mots piochés au sein d’un texte de plusieurs pages. Tout ceci est contenu dans les 4 paragraphes de contexte du scénario du kit d’introduction officiel de D&D 5.

La fantasy des tréfonds

Mais voilà, le JDR in fine appartient à ses joueurs. Quand un livre ou un film met en scène un dragon, son public est confronté au dragon. Si un jeu de rôle propose un dragon, ses joueurs sont libres de l’accepter, de le refuser, de le modifier. De par cette caractéristique, le JDR se fait en permanence reflet de la culture de ses joueurs.

Arches inversées

Et de là découle une profusion de créations, des plus simplistes aux plus complexes.

  • Punth! Aristocratic republic of former sky-sailors! Long paved roads dividing a howling desert. Psycho-drill schools engaged in mass call-and-repeat lessons in the baking sun. Gendarme patrols, regular as clockwork. Polychrome pillars and glazed bricks. Long-necked herbivores pulling carts; six-legged steeds for the Sky Princes.
  • Punth! Where all speech is couched in the words of the Codes. Where the scribes records details of the latest five-year plan on clay tablets beneath the eyes of watchful green four-armed aristo-commisars!
  • Punth! The land set out before you.

Punth: A Primer par Solomon VK

Et c’est en explorant ces eaux que, dans d’étranges niches, on peut apercevoir des univers, des mondes nouveaux.

À ce point, il me serait possible de fournir des liens vers des propositions qui ont attiré mon attention. L’exercice semble vain : ce serait une liste à la fois non exhaustive et fastidieuse à parcourir.

Alors la suite est encore à venir, avec des billets détaillant une trouvaille, ou offrant des réflexions suite à une lecture.

#TTRPG

Source des illustrations :

rrrrrrrr