La musique à l’aveugle

Rarement, mais c’est à chaque fois bienvenu, l’occasion se présente à moi d’acheter à très bas prix des albums. Ces événements éphémères semblent alors entrer en conjonction avec deux constantes de ma vie : j’apprécie la musique enregistrée sur support physique, et je n’ai jamais été bien riche.

phonograph mecanism

Précisons : je ne parle pas simplement d’aller fouiner chez des disquaires spécialisés dans l’occasion, de commander en ligne, ou d’errer dans je ne sais quel vide-grenier. Il y a eu la période ou les disques vinyle ne valaient plus rien ; certaines boutiques les vendaient au poids, et des particuliers se débarrassaient de leur collection à des prix dérisoires. Aujourd’hui, il s’agit plus généralement d’événements peu réjouissants. Par exemple, la fin d’un disquaire, qui brade donc sa marchandise avant de fermer boutique.

Je vis actuellement un de ces moments rares. Et, même si vous n’êtes pas amateur de support physique, si la chose se présente à vous, je vous encourage à expérimenter ce que je décris plus bas.

Interlude hors sujet

On pourrait se demander quelle raison peut pousser quelqu’un à continuer d’utiliser des supports obsolètes tels que le CD à une époque ou des services en ligne proposent des collections à la fois démesurées et accessibles à bas prix (voire gratuitement).

Je ne pense pas qu’on puisse trouver d’argumentaire rationnel sur le sujet qui permettrait d’affirmer une supériorité du support physique sur le support numérique. Même si certains points sont défendables et peuvent quoi qu’il en soit être intéressants (il est possible que je décrive ma vision personnelle dans un billet à venir), cette question nous amène hors de mon propos du jour.

Attraits et mystères de l’inconnu

La musique enregistrée me fascine, et les albums me parlent. Leur capacité à témoigner d’une volonté créatrice et d’un moment humain passé, leur histoire, et d’autres caractéristiques encore me poussent à les considérer comme des objets extraordinaires. Et fouiller dans des bacs remplis d’albums connus et inconnus est une expérience qu’il m’est difficile de décrire. Et qui attise chez moi une curiosité, une envie de découverte.

soundwaves

Malheureusement le coût d’un CD fait qu’il m’est généralement impossible de tenter l’aventure d’un achat inconsidéré. Acheter un album sans en connaître le contenu, les artistes, la mouvance, ou encore le label, est un risque que je ne peux me permettre en temps normal. Alors bien entendu, on peut noter le nom des albums intrigants, et assouvir sa curiosité tranquillement derrière son ordinateur une fois à la maison. Mais dans ce cas, autant errer directement en ligne et piocher au hasard dans les infinités musicales qui sont disponibles en quelques clics.

C’est donc là que les occasions que je citais en introduction de ce billet entrent en jeu. Ces moments ou l’on peut combiner le fait de fouiller des bacs remplis d’inconnu musical, et ou s’ouvre la possibilité de ramener chez soi ces objets contenant ces musiques mystérieuses et attirantes. Acheter une vingtaine d’albums à moins d’un euro pièce, si l’on en prend quelques-uns dont on est certain de la qualité, permet cette expérience sans risque financier.

Dévoilement

Une fois chez soi, on peut aller donc à la rencontre du contenu de ces albums aux noms exotiques, ou aux pochettes intrigantes qui ont attisé la curiosité. Mon conseil, si vous vous trouvez dans ce cas, est de simplement écouter les différents albums sans chercher préalablement à se renseigner sur les œuvres ou artistes, et de vous laisser prendre au jeu de la découverte à l’aveugle. Vous pouvez même faire ça en groupe, entre amis ou en famille pour plus de fun.

records

Bien entendu, il y aura des déceptions : l’imaginaire que l’on développe par l’aspect visuel seul (illustrations, nom des groupes, titres…) peut ne pas correspondre à la réalité, certains albums sont simplement passables, ou sont représentants de genres avec lesquels on a peu d’affinité.

Mais assez souvent, l’expérience est positive. Et parfois, on tombe sur quelque chose qui nous touche profondément, ou nous parle personnellement. Et ces découvertes restent en mémoire pendant des années ou des décennies : le souvenir de l’instant du dévoilement rendant plus fort encore la relation que l’on entretient avec l’œuvre.

Je ne peux terminer ce billet sans citer quelques-unes de ces trouvailles, que je vous encourage à écouter : l’énigmatique et entêtant Salades, du groupe KMA, le groupe Pygmylush et son magnifique album Bitter River, l’expérience psychédélique Gloria In Excelsis Stereo par Gloria, ou encore le label étrange Perverted Son Records via sa compilation Keep Frozen.

Pour en revenir à mon introduction : si vous en avez l’occasion, tentez votre chance. Autre chose encore : les médiathèques proposant des collections de CD permettent quasiment la même expérience. Profitez-en tant que ces services existent. Et lorsqu’ils ferment, les collections sont fort souvent bradées à faible prix, pensez-y.

Et qui sait, vous tomberez peut-être sur une rareté, et vous pourriez vous découvrir l’âme d’un conservateur, vous donnant pour mission de préserver et partager un enregistrement oublié de tous.

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#musique

Source des illustrations :

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